Héloïg Barbel

AccueilMembre
Héloïse Barbel

Héloïse a été récipiendaire de la bourse annuelle de doctorat 2019-2020 de la Chaire.


 

Habiter les paysages terrestres et marins du Nunatsiavut au 19e siècle : nouvelles perspectives sur l’implication des Nunatsiavumiut dans l’économie de marché missionnaire

Par contraste avec les sites inuit du XVIIIe siècle, spécialisés dans la chasse communautaire aux phoques, il est communément considéré que l’implantation des missionnaires protestants Moraves au Labrador septentrional a engendré, au cours du XIXe siècle, un important changement des modes de subsistance des Inuit, qui se sont tournés vers une économie commerciale qui reposait désormais sur la production de surplus de gras de phoque, de morues et de fourrures de renard vendus au poste de traite. Pour les Inuit qui l’ayant adopté, ce système économique impliquait un abandon de l’habitat communautaire hivernal et l’adoption d’un habitat mobile et dispersé, fragilisant les systèmes de solidarité et de réciprocité. Cette économie reposait sur des ressources de subsistance dont l’accessibilité dépendait notamment des conditions d’englacement hivernal des côtes. Toutefois, la prédictibilité des ressources marines pourrait avoir été impactée par un changement des conditions environnementales à la fin du Petit Âge glaciaire (∼ 1350 – 1850), augmentant la précarité économique des familles qui avaient contracté des dettes au poste de traite durant les périodes de pénurie. Dans ce contexte, les choix d’implication des Inuit dans ce système économique colonial pourraient avoir été divers. D’après les archives moraves, alors que certaines maisonnées Inuit se convertirent et adoptèrent un habitat permanent à proximité des missions, d’autres perpétuèrent une mobilité résidentielle saisonnière. Toutefois, ces archives n’accordent qu’une place extrêmement ténue aux Inuit qui se sont maintenu.e.s en retrait de l’économie missionnaire. L’approche archéologique adoptée dans ce projet vise ainsi à donner une voix à ces personnes quasi-absentes des archives, contribuant à faire place à un nouveau regard sur l’histoire de cette période. Ce projet, développé en partenariat avec le département d’Archéologie du Gouvernement du Nunatsiavut, fait place à une nouvelle compréhension de la diversité des pratiques de l’habitat à la fin du XIXe siècle. Les fouilles archéologiques effectuées sur le site South Aulatsivik 6 (HdCi-20) situé sur l’île de South Aulatsivik dans la baie de Nain (Nunatsiavut) témoignent d’activités de pêche et de chasse au phoque et au renard. Les artefacts retrouvés sur le site attestent d’échanges avec le poste de traite de Nain. Par ailleurs, la diversité des restes fauniques pourrait refléter une implication opportuniste dans l’économie coloniale, ce que suggère également l’architecture hybride de la structure d’habitation évoquant à la fois une maison semi-souterraine en tourbe et une cabine en planches. Cette habitation est la première de ce type à être fouillée au Labrador septentrional, et pourrait être associé à une mobilité résidentielle saisonnière. Les travaux à venir préciseront la chronologie et la saisonnalité d’occupation de cette structure hybride, ainsi que les pratiques de l’habitat des personnes qui l’habitaient.

Image terrain HBImage terrain HB 2Image terrain HB